Des femmes « bien dans leur peau »
Le Constat
Nous vous proposons trois portraits de femmes illustrant, à leur époque, le déploiement personnel de leur « être-femme » et donnant des exemples du « génie féminin ». Edith Stein, Thérèse Martin et Frigide Barjot… A vous d’enrichir cette collection de vos exemples de vie personnelle ou de femmes que vous trouvez remarquables!Edith Stein = une réflexion profonde sur l’être femme
La Bienheureuse Edith Stein a une vie de femme très marquante : née dans une famille juive en 1891, elle passe par une phase d’athéisme. Étudiante en philosophie, elle est la première femme à présenter une thèse dans cette discipline en Allemagne, puis continue sa carrière en tant que collaboratrice du philosophe allemand Edmund Husserl, fondateur de la Phénoménologie. Une longue évolution intellectuelle et spirituelle la conduit au catholicisme auquel elle se convertit en 1921. Elle enseigne alors et donne des conférences en Allemagne, développant une Théologie de la Femme, s’appuyant sur la philosophie de Thomas d’Aquin et sur la phénoménologie. Puis, interdite d’enseignement par le régime National-Socialiste, elle décide d’entrer au Carmel, où elle devient religieuse sous le nom de Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Arrêtée par la SS, elle est déportée et meurt « pour son peuple » à Auschwitz en août 1942. « Philosophe crucifiée », co-sainte patronne de l’Europe, elle est béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1999. Trouvés dans l’ouvrage collectif Femmes dans le Christ, les conférences sur la femme d’Edith Stein développent quatre points majeurs:
- Il existe une âme typiquement féminine qui « dans l’expérience, se révèle sensible aux réalités personnelles, à l’harmonie, à la globalité, etc. ».[i] « L’attention de la femme est donc naturellement portée sur les personnes alors que l’expérience nous montre que l’homme aspire davantage à l’efficacité extérieure de sorte qu’il se concentre sur les actions objectives ».[ii] « L’âme féminine vit plus fort et est davantage présente dans toutes les parties de son corps et elle est touchée intérieurement par tout ce qui lui arrive, alors que, chez l’homme, le corps a davantage le caractère d’un outil, qui lui sert dans son travail, ce qui implique un certain éloignement. »[iii]
- Il n’y a pas de métier qui ne puisse pas être exercée par la femme.[iv]. Cependant, Edith Stein déplore qu’aujourd’hui, « il est presque normal que les hommes et les femmes exercent des professions pour lesquels ils n’ont pas la vocation. »[v] La réflexion sur la vocation en est d’autant plus déterminante. En effet, « on peut affirmer qu’il n’existe pas de profession qu’une femme ne pourrait exercer le cas échéant […] Aucune femme n’est uniquement « femme », chacune a sa singularité et ses dispositions exactement comme l’homme »[vi] Toutes les professions sont possibles, voire souhaitables pour les femmes, mais c’est surtout en tenant compte de la condition féminine et de ses dispositions spécifiques (qu’elle a déterminé avant grâce à la philosophie, mais aussi à la théologie), que la femme pourra se réaliser et être utile à la société : « C’est ainsi que l’accès à de multiples professions pourrait être un bienfait de la vie sociale, pour la vie privée et publique, et cela surtout si elle garde une éthique féminine »[vii]
- Il faut aider les jeunes filles à choisir leur état de vie. Les jeunes filles semblent perdus dans les rapports confus entres les hommes et les femmes. Edith Stein détermine trois grandes catégories d’états de vie possible pour la femme :
- épouse et mère
- célibataire « dans le monde »
- célibataire consacrée dans la vie religieuse
Dans Die Frau[viii], l’accent est mis sur la difficulté à concilier travail et vie de famille spécifiquement pour l’épouse-mère. On peut donc se demander si, dans le cursus d’apprentissage scolaire et dans l’éducation familiale, les parents et l’école ne passeraient pas à côté d’une réflexion fondamentale pour la vie de la jeune fille : celui de choisir son état de vie avant même de choisir un plan de carrière ! Ce n’est bien sûr pas chose aisée, surtout quand le vagabondage affectif et sexuel prône « d’essayer pour voir ». De plus, choisir la vie de femme mariée sans savoir si l’on va trouver effectivement l’âme sœur est un pari risqué mais il s’agit bien là de remettre la jeune fille devant sa vocation fondamentale, première par rapport au choix d’une formation professionnelle.
Au sujet de l’exacerbation de la vie du cœur chez la femme: « Dans la détérioration consécutive au péché, la responsabilité du rôle paternel pâtit considérablement : l’homme vit une tendance à ‘se soustraire de ses devoirs de paternité.’ [ix] De même, la femme souffre d’une exacerbation du sentiment maternel et a tendance, par exemple, à garder ses enfants auprès d’elle et à se les attacher à tout prix. […] La tendance consécutive à la chute originelle s’exprime par un développement unilatéral de ses aptitudes. Elle concentre ses efforts sur la vie du cœur sans respecter l’équilibre initial entre les puissances du cœur, de l’entendement et de la volonté. […] Afin d’éviter à la femme de développer unilatéralement sa vie du cœur sans l’équilibrer par l’exercice de l’entendement et la force de la volonté il faut proposer à la femme l’étude du langage et de la grammaire, par exemple. […] ‘La clarté et la précision de la pensée seront d’une grande utilité pour lutter contre une faiblesse typiquement féminine : la confusion de la clarté par l’émotivité, les désirs et les tendances.’[x] Les conseils s’étendent bien au-delà de la vie scolaire. Dans le cadre de la vie conjugale, il incombe à l’homme de veiller à ce que la vie de sa femme ne ‘sombre pas dans une vie de tendances’ par le délaissement de la vie de l’esprit. […] L’homme a tout à gagner à partager sa propre vie intellectuelle avec sa femme, à prendre conseil auprès d’elle en qui il trouvera ‘la meilleure des conseillères’ en ceci justement que, par sa vision globale de l’homme, elle visera son épanouissement. »[xi]
Poème d'Edith Stein
L’âme de la femme doit être spacieuse et ouverte à tout ce qui est humain.L’âme de la femme doit être calme, afin qu’aucune petite flamme ne puisse s’éteindre à cause de tempêtes violents.
L’âme de la femme doit être chaleureuse, pour que des germes délicats n’y meurent pas.
L’âme de la femme doit être claire, pour qu’aucun parasite ne s’y incruste dans des coins ou des plis sombres.
L’âme de la femme doit être en accord avec elle-même afin que des irruptions venant de l’extérieur ne menacent pas sa vie intérieure.
Et l’âme de la femme doit être maître d’elle-même et aussi de son corps pour que toute sa personnalité, avec zèle, à la disposition de tout appel.
Frigide Barjot = Fille de l’Eglise avant tout!
Frigide Barjot, nom humoristique inspiré par l’éternel féminin de Brigitte Bardot, dans le contexte houleux des déformations des messages du pape Benoit XVI à l’hiver 2009, au sujet du SIDA, de l’avortement d’une fillette à Recife (Brésil), a décidé de répondre aux vagues médiatiques par son attachement au Pape et à l’Eglise.
Frigide Barjot est une humoriste et chroniqueuse mondaine, épouse de Basile de Koch, lui-même frère de Karl Zéro. Elle a participé à des émissions télé ou radio très en vue :On a tout essayé de Laurent Ruquier, C’est mon choix d’Evelyne Thomas et Elles ont les moyens de vous faire parler sur Téva.
En 2009, elle défend le pape Benoit XVI dans les médias sur les différentes polémiques évoquées et sera profondément choquée par les propos de Daniel Cohn-Bendit, entre autres, traitant Benoit XVI de meurtrier avec préméditation. D’autres insultes telles « Autiste » l’on fait réagir vivement car elle considère le Saint Père à la fois brillant et humble. De plus, représentant le Christ sur terre, sa parole ne pourra pas être considérée autrement que comme une parole inspirée par le St Esprit. Elle parviendra à fédérer 200 groupes de soutien du Pape sur le parvis de Notre Dame, le 19 avril 2009, fête de la Divine Miséricorde. Son collectif, Touche pas à mon Pape et le site Benoît, j’ai confiance en toi !, permettront de remettre 32 000 signatures de soutien au Pape et de lever des fonds pour les programmes de distribution d’antirétroviraux en Afrique. Voici ses propres explications : « A cette occasion, nous donnerons le coup d’envoi d’une grande campagne de récolte de dons à destination de SantEgidio, la première ONG privée mondiale luttant avec succès contre le SIDA : l’Eglise catholique! »
Comment être femme pleinement, en se sentant fille, en l’occurrence Fille de l’Eglise ? Quelle réponse magnifique ! Celle d’une femme courageuse, reconnaissante de cet amour filial que les catholiques doivent avoir envers l’Eglise et le Pape, au risque de perdre Dieu de vue. Ce qui m’a profondément touchée, c’est la confiance que Frigide Barjot met dans l’Eglise, combien elle s’en sent fille, son obéissance aux enseignements de sagesse de l’Eglise; elle parle beaucoup de la chasteté, du désordre de la vie sexuelle promue par la culture contemporaine, avec beaucoup d’humour et une liberté de langage amusants. La force de son témoignage de sa foi a eu de très beaux fruits.
Zélie Martin = une femme du XIXème très moderne et accomplie
Béatifiée avec son mari, Louis, en Octobre 2008, la mère de Sainte Thérèse de Lisieux, nous révèle ce qu’est une « vraie » femme, une « vraie » mère et une « vraie » épouse. La modernité et l’accomplissement de Zélie Martin sont exemplaires. En effet, chef d’entreprise énergique et zélée, tendre mère de famille, âme soucieuse des pauvres et bonne et confiante épouse, Zélie a tout pour enseigner la sainteté au monde moderne et apporter des réponses aux féministes de notre temps.
Seule à la tête de son entreprise de 1858 à 1870, Zélie est rejointe par son horloger de mari, qui constate que son commerce de dentelle marche bien et que son épouse a besoin d’aide. Les dix employées des Martin se trouvent justement rémunérées et ont l’impression de pouvoir compter sur Zélie. La simple dimension du travail dans la vie de Zélie Martin a de quoi mettre en échec le message féministe : certes, Zélie travaille, et même activement, y compris pendant ses nombreuses grossesses et dans les douleurs physiques de la maladie qui l’emportera. Certes, Zélie est autonome du point de vue des décisions financières et de gestion. Mais il faut comprendre que ce domaine restera toujours pour elle l’occasion d’en référer et demander conseil à son mari, et d’agir toujours en mère envers ceux qui l’entourent: quand une employée est malade, elle lui envoie de la nourriture et la paie en avance du travail non effectué. Il y a donc, même dans l’enveloppe culturellement masculine du chef d’entreprise qu’elle endosse, un cœur de femme tendre et compassionnel, qui donne de sa personne jusqu’à l’épuisement. Son entreprise commerciale fait partie de sa mission d’annonce de l’Evangile. Elle le fait dans une logique de don et non de pouvoir ou d’affranchissement du joug de sa condition féminine. De plus, elle n’aurait pas été ce qu’elle était sans l’étoffe solide et généreuse de son mari.
Sa relation de tendresse et de coopération obéissante et sincère avec son mari est édifiante. Concernant l’éducation de ses filles et les décisions logistiques et financières, elle en réfère à son époux qui se laissera souvent influencé dans ses propres décisions par l’opinion de Zélie, même s’il y était initialement opposé. Obéissance, confiance et tendresse sont les maîtres mots de leur relation. Elle accorde une place au père de ses enfants particulièrement édifiante : par Zélie, Louis développe ses capacités de tendresse qui se révèleront si utiles après le décès de son épouse. Ecoutons Céline parler de son père : « Son cœur était d’une tendresse exceptionnelle à notre égard, il ne vivait que pour nous : il n’y a pas de cœur de mère qui le surpasse. Avec cela sans faiblesse. »[xiii]
La maternité tardive de Zélie fait d’elle, là encore, une femme résolument moderne : elle se marie tard pour son époque (27 ans) après avoir tergiversé entre une vocation religieuse et l’appel au mariage et met au monde ses enfants jusqu’à 42 ans (âge qu’elle avait à la naissance de la petite Thérèse de Lisieux). Sa vie occupée de chef d’entreprise ne mettra jamais entre parenthèse ses enfants : ils seront premiers, après sa relation à Dieu (messe à 5h le matin pour ne pas prendre sur le temps dû à la vie de famille…). Elle sera enceinte ou en couches pendant 15 ans et aimera cette vocation plus que tout ; écoutons ses propres paroles : « Moi, j’aime les enfants à la folie ; j’étais née pour en avoir. »[xiv] Chaque grossesse sera un bonheur pour le couple et l’investissement de Zélie dans l’éducation de ses enfants sera plein et entier. Et son but avoué est de faire pousser des saints ! « Si vous en avez autant que moi [des enfants], écrit Zélie aux Guérin, son frère et sa belle sœur, cela exigera beaucoup d’abnégation et le désir d’enrichir le ciel de nouveaux élus. »[xv] Belle réponse faite aux féministes qui voient dans la maternité un esclavage, et aux égoïsmes que beaucoup de mères de famille portent, du fait de la pression ambiante à l’épanouissement personnel et à l’individualisme! L’enfant passe toujours en premier, malgré les fatigues et les hormones liées aux maternités successives, et son éducation sera une ouverture à l’amour de Dieu !
Pour aller plus loin
Egalité Homme-Femme
Complémentarité – Structure psycho-physique de la Femme
Altérité – lien entre identités féminine et masculine
[i] Femmes dans le Christ, Editions du Carmel page 171
[ii]Femmes dans le Christ Editions du Carmel page 170
[iii] Die Frau, Edith Stein page 53
[iv] Ethos in Die Frau Edith Stein, page 7
[v] Ethos in Die Frau Edith Stein, page 8
[vi] La Femme et sa destinée chapitre 3 p. 86-87
[vii]La Femme et sa destinée, chapitre 3, p. 89
[viii] La Femme et sa destinée, éditions Amiot – Dumont, 1956 (recueil de six conférences données par Edith Stein sur le thème de la Femme)
[ix] Beruf in Die Frau Edith Stein page 32
[x] Beruf in Die Frau , Edith Stein, page 36
[xi] Femmes en Christ, Editions du Carmel, page 189-191
[xii] Die Frau Edith Stein page 78
[xiii] Histoire d’une famille, Père Stéphane-Joseph, Téqui, 1997
[xiv] Louis et Zélie Martin, Correspondance familiale, 1863-1885, Ed du Cerf, 2004, n°83
[xv] Louis et Zélie Martin, Correspondance familiale, 1863-1885, Ed du Cerf, 2004, n°50
crédits photos http://encyclo.voila.fr/wiki/Fichier:Z%C3%A9lie_Martin_1.jpg
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