Mon article paru en italien dans Valore Mamma en octobre 2013
Valore Mamma est une revue italienne lancée par l’ISTITUTO SULLA DONNA ou Institut de la Femme à Rome qui propose deux formations importantes: Master Conciliation Famille – Travail et un diplôme Ethos féminin Cette revue promeut et soutient la Maternité et adresse toutes sortes de sujet liés à la maternité. Deux pages sont consacrées à au thème Union Européenne et Maternité: c’est dans cette thématique que mon article sur la Gestation Pour Autrui s’inscrit.
L’article en Italien. ValoreMamma Oct 2013
Je voudrais dresser ici le tableau du nouvel esclavage de la femme pauvre: la Maternité pour Autrui (ou Gestation pour Autrui ou GPA) et décrire ses pratiques au sein de l’Union Européenne. Je m’inspirerai pour cela de la conférence donnée par Gregor Puppinck, Docteur en Droit et Directeur de l’ECLJ, à l’Union Européenne le 20 mars 2013.
La Maternité ou Gestation pour Autrui (GPA) se définit comme un contrat par laquelle la femme accepte de porter l’enfant d’un autre porte sur un objet : l’enfant, et comme une obligation légale pour la femme de servir d’incubateur, d’utérus de substitution.
Pratiques Européennes
La GPA commerciale est explicitement condamnée par la Convention de la Haye (Article 32) et la Convention Européenne en matière d’Adoption des enfants (Article 17) qui précisent : « Nul ne peut tirer indûment un gain financier ou autre d’une activité en relation avec l’adoption d’un enfant. ». Pourtant, deux pays de l’Union l’autorisent: le Royaume Uni et la Grèce. L’Italie, la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Finlande l’interdisent. D’autres pays comme la Belgique, les Pays Bas ou le Danemark la tolèrent à travers la Procréation Médicalement Assistée, utilisant l’adoption pour établir une filiation. Un lien génétique avec l’un des parents mandataires alors exigé et souvent, le contrat de gestation n’est pas exécutoire, c’est-à-dire que la mère porteuse ne peut être contrainte à remettre l’enfant aux mandataires.
En outre, plusieurs pays de l’ex-URSS, membres du Conseil de l’Europe, telles que l’Ukraine ou l’Arménie, autorisent la GPA commerciale. La rémunération de la mère porteuse varie alors entre 15,000$ et 100,000 $.
Pratiques hors Europe et taille du « marché »
Aux Etats Unis il faut prévoir entre 100,000 et 150,000$, le quart en Inde. Certains organismes promeuvent la mère porteuse « low cost » et les tarifs diffèrent pour les ovocytes provenant de mère indienne ou blanche. On estime à 400 millions de dollars le marché de la reproduction en Inde et 6,5 milliards de dollars aux Etats-Unis.
Les femmes sont sélectionnées selon des critères de beauté, d’obéissance et de dépendance économique. Aux Etats-Unis, des questionnaires déterminent la traçabilité génétique de l’enfant sur deux générations. Evidemment, taille, poids, religion, vie sexuelle, compétences de la mère sont soigneusement référencés. Pour assurer la conformité de l’enfant aux normes fixées, les mères sont surveillées, parfois en douceur, parfois de manière coercitive. Les clauses de contrats américains peuvent prévoir ce que la femme doivent manger ou faire. Parfois même, les femmes peuvent être surveillées de manière plus coercitive comme du bétail parqué et obligé à suivre un emploi du temps et un régime spécifique.
Des réseaux mafieux se sont emparés de cette activité et les risques de traite de femmes et de violence sont réels.
Contrats litigieux
Comme tout contrat, des situations sordides peuvent donner lieu à contentieux: enfants non conformes au « contrat » (handicap, sexe non conforme…), mères porteuses ne voulant plus abandonner l’enfant, couple mandataire divorçant et ne voulant plus du bébé, enfant mort-né (comment exécuter le contrat ?), enfant apatride quand les parents sont issus d’un pays interdisant la GPA et qu’eux-même n’ont aucun lien de filiation avec l’enfant né de mère porteuse….
Enjeux éthiques
Ni la femme, ni l’enfant n’est traité comme un sujet mais bien comme un objet, ce qui est la caractéristique de l’esclavage et totalement contraire à la dignité humaine. Louer son corps est, par ailleurs, caractéristique de la prostitution, pratique fermement condamnée dans les pays de l’Union Européenne.
La forte recommandation juridique de l’ECLJ est que les pays membres de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe interdisent fermement les contrats de GPA et refusent de reconnaître la filiation pour des enfants nés de GPA en dehors de l’UE. Concrètement, les pratiques de marchandisation des enfants et d’exploitation des femmes des pays membres ayant légalisé la GPA exercent déjà une pression forte sur les autres pays membre. Ceux-ci, au nom de la perméabilité des frontières au sein de l’UE, sont incités à légaliser la GPA afin d’officialiser des situations de fait.
Au-delà de l’aspect juridique, de vraies questions éthiques sont posées. La GPA est-elle réellement un acte altruiste et généreux, comme le prêt-à-penser le laisse à croire ? Où est l’intérêt de l’enfant, objet créé pour combler le désir de ses « parents » mandataires ? Qui sont ses vrais parents ? Comment la femme ayant donné l’enfant qu’elle a porté pendant neuf mois vit-elle cet abandon ? Si la loi du marché l’emporte sur l’éthique, une nouvelle étape du déni de filiation et d’expression du désir de toute-puissance de l’homme aura été franchie.
En conclusion, l’Homme est-il vraiment voué à être un loup pour l’Homme, comme le dit Erasme ? Nous osons au contraire affirmer avec Sénèque:
« l’Homme est une chose sacrée pour l’Homme. »
[i] ECJL : European Center for Law and Justice. Basée à Strasbourg, l’ECLJ est une ONG internationale qui promeut et protège les droits de l’Homme en Europe. L’ECLJ détient un statut consultatif auprès de la Commission Economique et Sociale Européenne ECOSOC et l’ONU depuis 2007.