Conférence de Olivier Bonnewijn
Auteur de ‘Gender qui es-tu?’ édité aux Editions de l’Emmanuel en 2012 , Maître en Philosophie et Docteur en Théologie, Olivier Bonnewijn commente les nouveaux défis auxquels sont confrontés les modèles familiaux contemporains.
Pardon pour la remise en forme parfois laconnique: ce texte est tiré de mes notes lors de sa conférence du 21 mai 2013!
On parle des familles. Décrivons les et évaluons les par l’angle de l’enfant en faisant appel à la philosophie
Description de ces « nouveaux » modèles familiaux
- La Famille traditionnelle : c’est la famille naturelle dans laquelle l’homme et la femme vivent sous le même toit
- Famille concubinaire : les partenaires ne sont pas liés par un contrat matrimonial
- Famille mono parentale soit le père seul, soit la mère seule.
- Famille homosexuelle composée soit de deux hommes ou de deux femmes.
- Famille recomposée peut être polygamme, polyandre, poly-gender. Elle se construit avec ce qui correspond à l’imaginaire. Imaginaire des enfants et des jeunes est ainsi façonné sur la base des choix de familles des parents. Le mode de fonctionnement est égalitaire et contractuel. Il entend corriger la visée inégalitaire et discriminatoire de la famille naturelle. C’est en somme de l’ultra libéralisme égalitaire où chaque partenaire a un droit égal et corrige ainsi les inégalités des familles classiques.
Le point commun de ces nouveaux modèles est la précarisation du lien conjugal, son appauvrissement, sa non-existence ou encore une souffrance du lien conjugal.
Ces quatre cas sociaux engendrent des souffrances choisies comme des remèdes à des manques. La monoparentalité par exemple n’est souvent pas une libre création. Il y a un lien établi entre souffrance et nouveaux modèles familiaux.
Dans l’histoire romaine, on trouve des « concubinatus », mode répandu qui générait des très grandes injustices au sein du couple. Le droit pouvait intervenir de façon plus immédiate pour résoudre des situations. De plus, l’union libre existe de tout temps, en particulier parmi les milieux défavorisés au XIXème siècle en Europe. L’objectif du droit dans le mariage sera don de garantir l’aspect privé du mariage. Le mariage offrira par ailleurs des avantages sociaux et culturels. En se mariant, on inscrit son mariage dans la sphère publique.
Evaluation de ces modèles
Qu’en est-il de l’enfant dans ces nouveaux modèles ?
La monoparentalité masque souvent l’absence du père. Cependant, si la mère reconnait qu’elle ne peut tout donner, elle peut pallier les besoins de son enfant en faisant appel à des associtations comme les scouts pour donner le complément masculin. Il convient d’ailleurs de saluer ces femmes qui éduquent seules leur enfant car il y a de la souffrance pour tout le monde.
La famille homosexuelle ouvre à la PMA et à l’adoption. La capacité à aimer n’est pas en question. Mais la perte de repère est dommageable à l’enfant qui a droit à un papa et une maman. Il y a quelque chose d’erroné dans le terme homoparentale et monoparental car l’enfant a bien deux parents, quelque soit la famille dans laquelle il grandit. Le bien objectif pour l’enfant est manquant dans un duo de deux personnes vivant des relations homosexuelles car l’enfant est privé de différence. Autre dommage pour l’enfant : la perte de généalogie.
La Famille recomposée suite à un divorce. Elles sont souvent bâties à partir des familles décomposées. Les défis à relever sont redoutables. La relation au beau-père ou belle-mère, la fratrie recomposée, Présence judiciaire pour garde alternée et pension alimentaire, la double culture familiale à intégrer, … On constate même parfois un danger d’élaboration d’une double personnalité.
Dans la famille concubinaire, les personnes ne sont pas liées légalement ou bien elle utilise une forme différente de contrat comme le PACS. Certains de ces modèles sont temporaires, d’autres durables . Chacune de ces configurations fabrique par elle-même des privations importantes pour l’enfant car le lien conjugal se trouve dans une grande précarité, si ce n’est inexistant. Il faut donc chercher un lien plus solide.
En conclusion, on peut dire que la Post-modernité et le déconstructionisme de Jacques Derrida impose une demande sur l’enfant de créer le lien familial.
La famille est créée par l’enfant et non par le couple.
Il y a transfert de l’indissolubilité du mariage vers la filiation. Quelle redoutable responsabilité sur les épaules de l’enfant !
Confrontation de ces modèles
Personne ne confond une famille avec un club ou avec des amis. Elle a un sens minimum universel. Selon Irène Théry, sociologue française, la famille est le lieu où s’articule la différence des générations. Les liens ont une capacité spécifique et il traverse toute l’histoire de la personne depuis sa naissance à sa mort. La triangulation homme femme enfant est indispensable. L’avancée du droit de la famille et du mariage a joué un rôle considérable dans l’avènement de la civilisation. Il ne s’agit plus du meurtre du père mais, au contraire, de la naissance du père comme progrès d’ « homminisation ».L’anthropologue Claude Lévi Strauss dit ainsi que :
L’interdit de l’inceste fonde la civilisation.
Françoise Héritier insiste sur le modèle monogamme avec résidence comme le plus répandu dans le monde, ce qui est aussi vrai en Belgique.
La famille n’est pas une réalité malléable à l’infini. Il faut vraiment situer la construction sociale à sa juste valeur.
La triangulation homme-femme-enfant offre une relation d’amour, et non un rapport de domination, de confusion ou de jalousie. Jean-Paul II, dans Familiaris Consortio N°18, définit la famille d’un point de vue philosophique comme un « Effort constant pour promouvoir une communauté de personnes. […] Sans amour, la famille n’est pas une communauté de personne. »
La thèse est donc la suivante:
C’est la conjugalité qui fonde la filiation et non l’inverse.
L’enfant n’est pas la pierre de fondation de la famille. Il ne revient pas là l’enfant d’engendrer leur propre parent dans la conjugalité, tâche mise en échec car il n’y parviendra jamais.
Du point de vue philosophique et anthropologique et au regard de la Loi Naturelle, Xavier Lacroix dit :« La famille est de tout temps. C’est l’institution Famille qui précède l’Etat et non l’inverse. »
On constate une grande inventivité possible comme le témoigne d’autres cultures en d’autres temps. Il nous faut donc inventer de nouveaux modèles sur la base triangulaire. La façon de « faire famille » doit et peut évoluer.
Conclusion
Les nouveaux modèles familiaux ne sont ni des nouveautés, ni des modèles, ni des familles. Ils se caractérisent tous par une déliquescence du lien de conjugalité et c’est le plus petit qui en fait les frais.
Sur le plan de la foi et non plus de la philosophie comme décrit plus haut, notons que le christianisme défend toujours le plus petit. Il faut donc défendre la famille au niveau social. C’est compliqué car plus une réalité est belle, plus elle est blessée !
[La Morale fondamentale est souvent mise entre parenthèse du bonheur. La question qui se pose est donc : peut-on fonder une réflexion éthique sur une morale du bonheur ? Pas une question facile… ]On peut mentionner les études qui démontrent une forme de différence sexuelle dans le duo homosexuel. Freud découvre la bisexualité psychique et la mise en relation du masculin et du féminin. Il y a donc une part de féminité et de masculinité en chacun de nous. Cela est une évidence. Cependant, il y a une nette supériorité au modèle père-mère… C’est la structure de relations qui diffèrent. La femme, pour l’homme, c’est l’autre et l’homme, pour la femme, c’est l’autre.
La Queer Theory va plus loin que la Théorie du Gender car elle veut faire de la marginalité le modèle et mettre le doute dans la réalité.
Il serait intéressant d’étudier la différence entre les sexes du plus simple et observable au plus complexe : du biologique, au psychologique, au philosophique et enfin au théologique.
En fait, derrière la différence, se joue véritablement l’idée de Dieu.